Quand c’est l’entreprise qui vous trouve

Il nous arrive tous de partir au centre commercial pour aller acheter une belle paire de souliers roses à paillettes et finalement revenir avec une perceuse et une étoile pour le sapin de Noël !? Bon, peut-être pas pour les souliers roses, mais vous comprenez le concept.

Mon exemple est un peu contraire à la logique que je recommande habituellement qui est d’établir des critères d’achat et d’avoir une bonne idée de ce que vous cherchez acheter. Mais ce serait de négliger que votre checklist doit aussi laisser place aux sentiments, aux coups de coeur et surtout aux opportunités qui se présentent.

Oui, j’avais la fibre entrepreneuriale. Ma formation en administration n’étant pas étrangère à cet appel intérieur. J’avais eu plusieurs idées d’entreprises, étudié de nombreux projets d’affaires, bâti plusieurs plans d’affaires, mais jamais l’idée théorique ne se trouvait suffisamment profitable ou trop risquée une fois l’analyse complétée. Oui, me lancer en affaire, mais pas à n’importe quel prix et surtout pas à n’importe quel niveau de risque.

Je venais de traverser quelques années plus difficiles suivant le décès accidentel d’un proche et je me trouvais plutôt insatisfait de mon emploi du moment. À la croisée des chemins, j’avais besoin de défi, de changer d’air, de me réaliser. Plusieurs idées d’affaires cheminaient dans ma tête, mais aucune d’elle ne prenait le dessus ou s’avérait, après mure réflexion, une si bonne idée que ça. Mais moi j’étais mûr et mon aversion au risque s’était atténuée au fil des années.

Grand amateur de cafés, je passais à l’époque beaucoup de temps à lire et siroter dans les meilleurs cafés de la ville. Fraîchement arrivé dans mon nouveau quartier, je devais marcher quotidiennement 30 minutes (1h aller-retour!) pour me rendre au premier café digne de ce nom. La mode des cafés indépendants commençait à s’implanter, mais rien dans mon quartier…

Enfin une idée qui sortait du lot.

«Répondre à un besoin» diront tous les livres sur l’entrepreneuriat. J’allais appliquer la théorie et ouvrir un café, autant sympathique que convivial, mais se distinguant surtout par la qualité de ses produits, et ce au plus grand bénéfice des vrais caféïnomanes du quartier.

Un local parfaitement adapté à mon projet s’est libéré juste au bon moment, alors que l’idée faisait son chemin. Je me suis empressé de contacter l’agent pour visiter et prendre le pouls des lieux. L’investissement était de l’ordre de 70 000$, j’avais 7 000$ à ma disposition. Cheminant dans mes scénarios financiers, j’arrivais en théorie à dégager un maigre profit. Allais-je me lancer pour si peu de profit? Voyant que j’hésitais, l’agent me glisse au passage qu’il a aussi un autre commerce à vendre dans les parages; une boulangerie à proximité installée depuis une dizaine d’années. Investissement requis : 7 fois plus !!! Du haut de mon 7 000$ en poche et surtout sans aucune idée de comment ça se fait un pain, j’ai cordialement changé de sujet.

Mais curieux comme je suis, je suis allé visiter l’endroit quelques fois en secret, un client comme un autre. Les idées se sont vite mises à se bousculer dans ma tête, ça devait être l’odeur enivrante du pain frais sorti du four. Je pense avoir été drogué à mon insu!

En pratique, je pouvais y installer un espace café, compter sur la réputation solide de l’endroit, une clientèle établie, des locaux déjà aménagés, des boulangers expérimentés, etc. Quand j’ai analysé l’historique financier de l’endroit, j’ai vite compris l’opportunité qui se présentait à moi. D’autant plus que lors de mes visites j’ai dénoté plusieurs lacunes dans le modèle d’affaires et j’avais des idées pour développer pendant les 10 prochaines années.

À partir de là, j’étais convaincu du potentiel, mais il me fallait encore convaincre bien des gens. D’abord le vendeur. Évidemment, à 28 ans et avec 7 000$ comme mise de fonds pour un truc qui frôle le demi-million, disons que le vendeur n’avait pas l’air de vouloir perdre son temps avec moi et était plutôt perplexe quant à mon sérieux. J’avoue qu’aujourd’hui je le comprends parfaitement…

J’ai travaillé pendant 2 mois tous les soirs en revenant du travail et toutes les fins de semaine pour bâtir un plan d’affaires solide et m’assurer que mes hypothèses et prévisions avaient du sens. Dans l’empressement oui, de peur que quelqu’un d’autre dépose une offre concrète, mais je n’avais pas le loisir de bâcler mon analyse, je devais encore trouver plus de 450 000$ en financement.

Heureusement, ma formation et mon expérience dans la préparation de plans d’affaires m’ont permis de produire un document étoffé et qui démontrait la stratégie de développement ainsi que la viabilité et rentabilité significative du projet.

Quelques semaines plus tard, j’avais réussi à lever 70 000$ en prêt privés, un prêt de la banque pour les équipements et l’immeuble et une bourse pour jeunes entrepreneurs pour combler le fonds de roulement nécessaire aux opérations.

Quatre ans plus tard, le chiffre d’affaires avait plus que doublé et les bénéfices avaient faits un bond significatif.

La morale de l’histoire : Restez ouvert. On ne sait jamais ce qui peut se présenter sur notre route et souvent l’opportunité viendra du champ gauche sans que vous ne vous y attendiez.

Non, je ne suis pas revenu avec une perceuse au lieu de mes souliers fashion roses, une paire de bottes d’hiver serait un meilleur comparatif. Comme quoi il faut rester ouvert, même en été, si des bottes d’hiver ultra chaudes vous passent sous le nez, saisissez-les, c’est peut-être l’opportunité de votre vie.

– Vincent